Un féminin sans fard

Les femmes peintes par Juliette Lemontey s'offrent et se dérobent à la

fois. Elles s'affirment dans une présence silencieuse, énigmatique, forte.

Une présence qui ne demande pas d'identification, d'affirmation pour

exister. Elles ne nous donnent pas à voir la beauté fragile d'un visage, la

transparence de pupilles, le bouton de rose d'une bouche. Notre regard

est leur regard. De ci de là, Juliette L. confie aux pétales roses de fleurs

orientales le soin d'apporter la couleur qui jamais n'entache l'ivoire des

ovales, la blancheurs des mains, le noir profond des chevelures.

Les visages n'ont pas de traits définis, ils offrent le grain d'une peau

que la toile en beau drap de lin figure. A nous qui les observons de leur

inventer une histoire qui ressemblera à notre histoire. Elles sont nos

soeurs, nos mères, nos filles. Elles sont des images de ce nous multiple

et singulier du féminin.

L'histoire de la peinture nous offre des milliers de femmes attirantes,

séduisantes, vêtues ou dévêtues, honorées, violées, désirées,

sanctifiées. Elles sont toutes nées de l'imaginaire masculin des peintres.

Que nous disent de différent les femmes de Juliette L.? Rien que les

femmes qui les découvrent ne peuvent ignorer de leur univers, de leur

féminité. Plutôt que de défendre un féminin militant, Juliette L. nous

donne à voir l'évidence du féminin.

Qu'elles se cachent derrière leur chevelure ou derrière leurs mains

ouvertes, qu'elles s'éloignent ne donnant à apercevoir que l'arrondi

d'une joue ou le fuyant d'un menton, ces femmes nous touchent pas

leur gestuelle, par ce qu'elles disent de notre intimité pudique.

Après des siècles de femmes sublimées, maquillées, inventées par l'oeil

et le pinceau des peintres, Juliette L. nous révèle un féminin sans fard,

pur et comme lavé de tous les regards.

Michèle G.

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